Astor Piazzolla et son Quinteto Tango Nuevo (Concert à Utrecht, Pays-Bas, 1984)
Compositeur, bandonéoniste, Astor Pantaleón Piazzolla est né le 11 mars 1921 à Mar del Plata (Argentine), dans une famille d’origine italienne. En 1924, il déménage avec ses parents à New York, où il passe une grande partie de son enfance. Son père lui offre son premier bandonéon à l’âge de huit ans, et dès lors, Piazzolla développe une passion pour cet instrument. Il reçoit une formation musicale classique, étudiant avec Sergueï Rachmaninov. Il découvre le jazz et apprend à jouer du piano en plus du bandonéon.
De retour en Argentine en 1937, il s’installe à Buenos Aires et commence à jouer dans des orchestres de tango. En 1939, il rejoint l’orchestre d’Aníbal Troilo, l’un des plus grands bandonéonistes et chefs d’orchestre de l’époque. Il commence à se faire un nom en tant qu’arrangeur pour Troilo, mais il aspire à une carrière plus personnelle de compositeur de musique symphonique. En 1946, il forme un orchestre de musique classique puis en 1953 son Octeto Buenos Aires qui commence à jouer ses compositions avant-gardistes. Bien que controversé, son travail attire un public curieux et enthousiaste.
En 1954, il reçoit une bourse pour venir travailler à Paris avec Nadia Boulanger, une française compositrice et professeure de musique réputée qui dirige le Conservatoire américain de Fontainebleau. Celle-ci l’encourage à ne pas abandonner le tango, affirmant que c’est là que réside son véritable talent. De retour en Argentine, Piazzolla entame une véritable révolution musicale en s’appuyant à la fois sur les racines traditionnelles du tango et sur sa formation musicale classique avant-gardiste.
Admirateur d’Igor Stravinsky et de Béla Bartók, il est le premier à fusionner la musique concertante classique et contemporaine avec celle du tango populaire, ajoutant des sons de guitare électrique, de batterie, de saxophone ou de synthétiseur, fusionnant des rythmiques tango, rock et jazz, et lançant des harmonies dissonantes en résonance avec l’époque. Ce mélange donne naissance à un nouveau genre de tango appelé le Tango nuevo, plus complexe sur le plan harmonique et rythmique, et souvent plus dissonant, qui suscite à la fois admiration et controverses dans les cercles traditionnels du tango. Il ne compose pas comme ses pairs pour un public de danseurs mais pour un public de concert. Il est très critiqué par les puristes pour sa modernisation du tango – Il faut dire qu’il n’hésite pas non plus à les provoquer en affirmant par exemple que le tango traditionnel dont ils sont si fiers est musicalement pauvre et sans variété rythmique – mais il ouvre de nouvelles voies pour la musique argentine sur la scène internationale.
En 1959, il forme le Quinteto Nuevo Tango, un ensemble composé de bandonéon, violon, piano, guitare électrique et contrebasse. Grâce à ce groupe, il enregistre certaines de ses œuvres les plus célèbres, comme Adiós Nonino (1959), dédiée à son père, et Libertango (1974). Sa musique gagne en notoriété, non seulement dans le monde du tango, mais aussi dans la musique classique contemporaine et le jazz. Il devient une figure internationale, collaborant avec des artistes et orchestres du monde entier, notamment en France, en Italie et aux États-Unis. En 1974, il se produit avec des musiciens de jazz renommés tels Gerry Mulligan et Gary Burton. Il travaille également sur des bandes originales de films comme Le Dernier tango à Paris (1972) de Bernardo Bertolucci, Lumière de Jeanne Moreau (1976), Cadavres exquis de Francesco Rosi (1976), Henri IV, le roi fou de Marco Bellocchio (1984), Tangos, l’exil de Gardel de Fernando Solanas (1985), Parlez-moi du Che de Jean Cormier et Pierre Richard (1987), et compose plusieurs suites et concertos pour des orchestres symphoniques.
Parmi ses œuvres les plus célèbres, outre Adiós Nonino et Libertango, on peut citer Verano Porteño (1965), Balada para un loco (1969, paroles de Horacio Ferrer), Tres minutos con la realidad (1970), Concerto pour bandonéon et orchestre (1979), Oblivion (1982) et Histoire du Tango (1986). En 1989, il fonde le quintette New Tango. En 1990, il est victime d’une attaque cérébrale qui met un terme à sa carrière musicale. Il passe les deux dernières années de sa vie dans un état de santé fragile.
Astor Piazzolla est décédé le 4 juillet 1992 à Buenos Aires. Ce n’est qu’au moment de sa mort que beaucoup d’argentins réalisent que le monde entier lui rend hommage et qu’il est reconnu partout ailleurs dans le monde comme un des plus grands musiciens du XXe siècle et un génie qui a su moderniser en profondeur le tango argentin, d’abord en l’affranchissant des anciennes contraintes rythmiques de la danse, puis en lui permettant d’obtenir une nouvelle reconnaissance internationale comme « musique contemporaine de Buenos Aires ». Sans ses expérimentations avant-gardistes, sans la révolution et la résistance musicale qu’il a menées avec quelques amis ou disciples dans les années ’60 et ’70 alors que la plupart des autres musiciens de talent travaillaient sur autre chose, le tango serait sans doute aujourd’hui mort et enterré.
Brève histoire du tango argentin est publié par les Éditions de la République des Lettres. Reproduction interdite, tous droits réservés pour tous pays. Copyright © Noël Blandin, Paris, lundi 24 mars 2025.
Brève histoire du tango argentin est publié par les Éditions de la République des Lettres. Reproduction interdite, tous droits réservés pour tous pays. Copyright © Noël Blandin, Paris, lundi 24 mars 2025.